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Portrait de Zénobe Gramme

1871: Zénobe Gramme produit du courant électrique

Cet article a été signé par Georgese Delagère et il est paru le 2 juin 1962 dans la « Feuille d’Avis du Valais »

C’est à un humble menuisier nommé Zénobe Gramme que nous devons l’éclairage électrique.

Zénobe  Gramme,  un nom aux prénoms désuets, qu’on ne connaît pas assez.  Celui du modeste artisan menuisier « en rampes et autres formes », le bricoleur de génie, à qui nous devons de vivre au siècle de l’électricité.

Un « rampiste » qui prenait en 1859 un brevet en prétendant produire mécaniquement de l’électricité,  c’était du plus haut comique ! Savants et ingénieurs qui depuis des années,  s’évertuaient à tenter de résoudre ce problème, ne se privèrent pas d’en faire des gorges chaudes. Théoriquement, sa machine ne devait pas tourner. Pourtant lorsque cet entêté de Gramme put, enfin la présenter le 17 juillet 1871 à l’Académie des Sciences, il fallait bien se rendre à l’évidence : Ça tournait ! Et ça donnait du courant, avec un rendement intéressant. Mais pourquoi diable ce menuisier s’était-il mêlé de vouloir fabriquer de l’électricité ?

Pour une question de propreté !
La maison Christofle lui avait commandé des « formes en bois » pour sa galvanoplastie. En voyant l’atelier d’argenture où les ouvriers travaillaient dans une saleté innommable parmi les piles, les accus, les bacs vert-de-grisés, suintant les vapeurs d’acide, Gramme, avec le sens de la propreté de sa Belgique natale ne put s’empêcher de s’écrier : « Mais, vous ne pourriez pas fabriquer votre courant plus proprement ? Il  n’y a donc pas d’autres moyens que vos sales piles et accus ? »

Et il fut saisi par une véritable obsession de faire de l’électricité industrielle proprement. Il n’avait pourtant pas la moindre des connaissances scientifiques nécessaires. Il était né à Jehay-Bodognée, près de Liège le 4 avril 1826, d’une famille de petits fonctionnaires. Zénobe n’était pas très bon élève à l’école primaire, mais très adroit de ses mains. Après être passé par l’école professionnelle, jeune homme devenu ouvrier menuisier, il prit une part active au grand mouvement socialiste de 1848 à Liège et à Bruxelles, puis il entreprit sa tournée de «compagnon» finalement, décida de tenter sa chance à Paris. Un beau jour de l’été 1858, il rencontra une jolie couturière avec sa fillette à un défilé de la garde impériale à cheval. Sa coiffe de dentelle montrait qu’elle était bruxelloise.

Zénobe l’épousa l’année suivante et le ménage s’installa dans un modeste logement de l’avenue des Ternes, pas très loin du petit atelier de l’artisan. Un de ses anciens camarades de Bruxelles, Joseph van Malderen était contremaitre à la Compagnie belge l’Alliance dont les machines électromagnétiques de l’ingénieur belge Nollet fournissaient du courant alternatif, notamment pour l’éclairage à arc.

C’est par van Malderen que Gramme fut mis en relation avec la maison Christofle, et contracta le virus de l’électricité. Fort de quelques vagues données puisées dans des manuels élémentaires d’électricité, Zénobe s’en alla un dimanche à la Foire aux Puces faire l’acquisition d’un gros aimant de fer à cheval et d’un appareil alors peu connu nommé galvanomètre. Et il se lança dans des expériences farfelues. Il avait pris des bobines à sa couturière de femme et, au lieu de «fil au chinois»,  il avait enroulé du fil de cuivre isolé puis, il avait fixé une bobine à chaque extrémité d’un barreau de fer doux qu’il faisait tourner par un axe-manivelle entre les pôles de son gros aimant. De tâtonnement en tâtonnement,  il parvint à un appareil rudimentaire qui débitait du courant. Mais le galvanomètre placé sur le circuit montrait que ce courant changeait de sens à chaque demi-rotation, c’était de l’alternatif, or, pour l’usage en galvanoplastie,  le transport électrolytique de métal sur les objets à argenter, il faut du courant continu.

Gramme en oubliait trop son métier de menuisier, aussi préféra-t-il transporter ce «bazar» de son atelier au petit logement du ménage où il put bricoler le soir à la lampe à huile, ne se couchant parfois que très tard. Et une nuit, il bondit hors de son lit comme Archimède de son bain :

«Je crois que j’ai trouvé ! »

Sa femme n’en avait jamais douté, ni sa jeune fille devenue fleuriste. Peu à peu, le «rampiste» résolut le problème ne laissant d’abord sortir le courant que dans un sens «par bonds» puis multipliant le nombre des bobines, ses «navettes», jusqu’à en faire un anneau, auquel on donnera son nom plus tard.

On est en 1866 et le menuisier doit continuer à travailler. Son ami Malderen lui a fait avoir la commande d’une rampe pour le nouveau phare de la Heve qui doit être équipé par l’Alliance pour l’éclairage à l’arc. Gramme ne parviendra qu’en 1869 à sa machine. Avec ses emprunts visibles à la machine à coudre de sa femme, elle prête un peu à sourire quand on la regarde maintenant au Conservatoire des Arts et Métiers.

Néanmoins, c’est la première machine qui fournit du courant continu et constant, susceptible d’application industrielle. La suite de cette étonnante aventure serait trop longue à conter ici.

Le 20 janvier 1901, Zénobe Gramme qui avait pris une paisible retraite banlieusarde à Bois-Colombes succombait à une crise d’angine de poitrine, il avait 76 ans. A Paris, bien peu de gens connaissent sa tombe au Père Lachaise.

Georgese Delagère

A lire aussi: les premières expériences furent menés par Michael Faraday, bien des années plus tôt.

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