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L’organisation du service de l’heure (4)

Ces critiques, ne l’oubliez pas, ne visent que la détermination du centième de seconde. J’insiste sur ce point, je ne veux pas que mes paroles dépassent ma pensée. Voici, d’ailleurs, comment s’exprimait, au sujet des pendules, M. Bigourdan, président du Bureau des Longitudes, dans une lettre adressée à M. le Directeur de l’Observatoire, quelques jours avant l’ouverture du Congrès de l’heure :

« La marche d’une pendule, même excellente, devient rapidement sujette à caution dès qu’on n’a plus d’observations d’étoiles pour la contrôler ; sans doute, par la comparaison journalière de plusieurs pendules indépendantes, on peut presque toujours mettre en évidence les perturbations les plus importantes et les éliminer ; l’effet des erreurs plus faibles sera atténué si l’on fait concourir toutes les pendules à la détermination de l’état extrapolé de l’une d’elles, encore faut-il que l’extrapolation se fasse dans des limites assez restreintes ; il n’est pas rare d’avoir une seconde d’erreur au bout d’une douzaine de jours avec cinq bonnes pendules. »

Parmi les causes qui influent sur la marche des pendules, les unes sont bien connues et parfaitement étudiées, telles sont les variations de pression atmosphérique, de température. Les autres sont mal définies, mal étudiées par conséquent. Je citerai les irrégularités des profils des dents et le défaut de centrage des différents mobiles dont l’effet peut ne pas être complètement compensé par le balancier, les modifications chimiques des huiles ou leur déplacement dans les pivots, les changements de l’état moléculaire des ressorts, changements qui se font si fréquemment sentir sur les contacts électriques, l’oxydation ou l’encrassement de ces contacts, les trépidations du sol, secousses sismiques ou autres, les variations de l’état hygrométrique de l’air, le dépôt des poussières sur les différentes pièces, l’époque du remontage, et que sais-je, peut-être d’autres encore et en grand nombre !
De ces causes perturbatrices, les unes agissent lentement sans loi apparente, d’autres périodiquement, d’autres enfin brusquement. Considérons, par exemple, la modification de l’état de fluidité des huiles, elle obéit sans aucun doute à une loi chimique, elle est fonction du temps, mais une fonction fort complexe et dépendant d’éléments trop nombreux et trop variables pour qu’on puisse seulement songer à la traduire par une formule. Tout ce qu’on peut dire c’est que la perturbation apportée conduit la pendule de sa marche normale à la mort, à moins qu’on ne procède en temps voulu au changement du liquide lubrifiant. Les horlogers admettent que les huiles d’une bonne pendule doivent être renouvelées au moins tous les trois ans. Que ne peut-on procéder de même pour la machine humaine ! Bien différente est la perturbation causée par les inégalités du rouage, ici la périodicité est certaine, mais guère plus facile à établir que la variation de marche résultant de l’oxydation des huiles. Quant aux troisièmes, elles sont d’ordre accidentel, impossibles à prévoir, impossibles à parer autrement que par une détermination astronomique du nouvel état de l’horloge. Toutes d’ailleurs concourent, quoi qu’on dise, à rendre illusoires, souvent sinon toujours, les tableaux, les graphiques ou les formules qu’on essaye d’établir pour figurer la marche de l’horloge et faciliter l’extrapolation de l’heure. On ne lutte pas contre l’inconnu et le hasard avec des formules algébriques, si belles soient-elles !

Nous sommes fort heureusement maîtres des premières, pression et température, de beaucoup les plus considérables, je pense. Nous pouvons les supprimer. Je ne vous parle pas des nombreux et ingénieux procédés de compensation imaginés pour corriger la marche des horloges de l’influence des variations de température ou de pression. Ils montrent l’esprit inventif des physiciens et des horlogers, mais même les plus récents ont vieilli. L’invar, le plus nouveau de ces procédés, n’est pas à l’abri de critiques sérieuses, c’est un métal non homogène et qui, s’il a un très faible coefficient de dilatation, subit des modifications d’état moléculaire qui en rendent l’emploi douteux. Ils peuvent convenir à une pendule d’appartement, et encore ; ils sont absolument insuffisants pour une pendule astronomique. Ce qu’il nous faut c’est éliminer radicalement les causes perturbatrices. Voici (fig. 106) une pendule à pression constante (système Riefler) installée dans les Catacombes, elle fonctionne depuis le milieu d’octobre 1911. Elle est enfermée dans un cylindre de cuivre rouge et recouverte d’une cloche de verre. Le remontage se fait électriquement sous l’action d’un courant présentant la plus grande constance et fourni par des accumulateurs, ces accumulateurs restant en charge sous l’action d’une seconde batterie qu’on change dès que le voltage et le débit deviennent insuffisants.

Cette dernière batterie peut fonctionner utilement pendant deux mois environ. Nous avons en réalité deux batteries de remontage qu’on fait travailler alternativement tous les deux mois. La synchronisation est assurée par une batterie analogue à celles du remontage. Depuis le jour de l’installation, la pression barométrique est restée rigoureusement constante, un baromètre à cuvette enfermé dans la caisse permet de vérifier cette constance. Le 10 mai 1912 nous avons ramené la pression primitive de 600mm à 619mm afin de réduire la marche diurne de la pendule. Nous avons là, en effet, un moyen précieux de réglage : une variation de pression de 1mm en 24h correspondant à une variation diurne de marche de 0,018 sec. d’après les expériences faites par le constructeur. C’est ce nombre qu’on appelle la constante barométrique de la pendule; elle varie quelque peu d’une pendule à une autre, la forme de la masse oscillante (lentille ou cylindre) n’est pas sans avoir une influence cer

taine, quoique mal définie, sur les changements de cette constante.
La température des caves de l’Observatoire, vous le savez, ne varie pas de 0,1°c de l’été à l’hiver. On a pris de plus le soin d’introduire dans la cage de l’air suffisamment desséché, de façon à éviter toute condensation sur le rouage.

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