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La conservation des aliments par le froid en 1875

Ce document original a été tiré de la revue « La Nature » daté du 20 février 1875. Il nous démontre, de même les précédents articles sur la manière de fabriquer le froid à cette même période, comment les hommes ont découvert l’arrivée de cette machine folle qui fabrique et maintient une température hivernale en plein été.

Nous avons donné précédemment des renseignements complets sur la machine à fabriquer le froid, de M. Ch. Tellier, et nous avons vu quel usage a su faire ce savant ingénieur, de l’éther méthylique; nous avons démontré que le transport des viandes provenant de pays lointains était désormais assuré, grâce à d’ingénieuses dispositions qui ont attiré récemment l’attention de l’Académie des sciences.

M. Tellier n’a pas oublié qu’il y avait un intérêt de premier ordre à appliquer son système aux usages domestiques, et à construire des appareils de petite dimension, destinés aux ménages ou aux boucheries.

La figure 1 donne en coupe, une caisse destinée aux usages domestiques. Un cylindre D, fermé d’un couvercle, contient la viande ou les aliments que l’on veut préserver de la décomposition. Ce cylindre, posé sur deux barres de bois RR, est complètement entouré de fragments de glace que l’on entasse dans le vase bb. Pour éviter la fusion rapide de la glace, ce dernier vase est lui-même emprisonné dans une caisse aa, entièrement garnie d’un corps isolant, mauvais conducteur de chaleur et qui protège la glace des effets de la température extérieure.

Malgré ces précautions la glace fond peu à peu, et l’eau qu’elle produit est sans cesse enlevée au moyen d’un tube qui la déverse au dehors. Cette caisse peut prendre la forme d’un meuble, d’un buffet (fig. 2), qui ne diffère de celle-ci que par son aspect extérieur, mais qui est construit sur le même principe: Les aliments sont placés dans un compartiment intérieur que des fragments de glace entourent de toutes parts. Une enveloppe extérieure, remplie d’un corps isolant, protège ceux-ci de l’action de la chaleur du milieu ambiant. Si les bouchers veulent mettre à profit ce mode de conservation, il leur sera nécessaire de recourir à un appareil plus volumineux, mais tout aussi simple. La figure 3 représente en coupe la disposition qui leur est destinée.

Une citerne BB, creusée dans le sol, est garnie d’un manchon de corps isolant CC. Le cylindre métallique qu’on y place a un diamètre tel qu’il permet d’interposer autour de sa surface une couche de glace concassée qui maintiendra sa température à 0°. Les aliments, pendus à une étagère X, y sont descendus à l’aide d’une poulie. La fermeture s’opère au moyen d’un couvercle d que l’on couvre d’une nouvelle couche de glace. L’eau de fusion de la glace se rassemble à la partie inférieure du vase tronconique médian ; un tube SS, mis en communication avec une pompe à main n permet de l’expulser au dehors.

Les aliments, pendus à une étagère X, y sont descendus à l’aide d’une poulie. La fermeture s’opère au moyen d’un couvercle d que l’on couvre d’une nouvelle couche de glace. L’eau de fusion de la glace se rassemble à la partie inférieure du vase tronconique médian ; un tube SS, mis en communication avec une pompe à main n permet de l’expulser au dehors.

Il ne nous semble pas nécessaire d’insister sur l’efficacité des procédés que nous venons de décrire. On sait depuis longtemps qu’une certaine température est une des conditions indispensables à la putréfaction, qui ne saurait se produire à 0°. Nous rappellerons le fait connu d’éléphants fossiles conservés, depuis un temps incalculable, avec leur chair, leur peau, au sein de blocs de glace de la Sibérie, et retrouvés à l’époque actuelle, par des explorateurs ou des géologues.

En Russie et dans les régions sibériennes on tue au commencement de l’hiver les bestiaux destinés à l’alimentation; on les gèle, le froid les conserve pendant longtemps, et on économise ainsi la nourriture qu’il aurait fallu leur fournir pendant les mois de l’hiver. Dans les pays du nord, au Groenland, dans le détroit de Davis, les navires anglais qui vont à la pêche des phoques exposent la chair de bœuf à l’air atmosphérique glacé ; ils peuvent ainsi se nourrir de viande fraîche pendant toute la durée d’un long voyage.

M. Ch. Tellier a confirmé ces faits par des expériences précises: Il a enfermé dans une chambre où l’air est constamment maintenu à une température inférieure à O°c (au moyen de sa machine à fabriquer le froid par l’éther méthylique), un cuissot de boeuf de 70 kilogrammes, des gigots de mouton, des lièvres, des homards et des perdreaux. La durée de la conservation a toujours été de 45 à 59 jours. L’énorme cuissot de boeuf que nous venons de mentionner était aussi frais, après deux mois de conservation, que s’il eût été découpé d’un animal abattu la veille. Les fruits, les graines, et d’autres substances animales ou végétales, peuvent être très-bien conservés de la même manière.

Si, comme nous le souhaitons dans l’intérêt de tous, la pratique de la conservation des aliments par le froid se propage rapidement, il est indispensable d’appeler l’attention de l’administration sur ce qui concerne le gibier. Si un marchand de comestible préserve de la putréfaction des lièvres, des perdrix et des faisans, et qu’il veuille les livrer à la consommation, comme cela est possible par l’usage des appareils nouveaux, un mois ou deux après la fermeture de la chasse; il est probable qu’il pourra courir le risque d’être pris en flagrant délit de contravention, comme tirant profit d’une marchandise prohibée à l’époque où il la vendra.

Cependant il ne sera nullement coupable, puisqu’il aura fait provision du gibier à une époque où il est permis de le tuer. Il y aura probablement à imaginer quelque moyen de marquer la marchandise au moment de son entrée dans la caisse à conservation, afin qu’elle puisse être livrée plus tard à la consommation, sans qu’il soit possible de la confondre avec des produits du braconnage.

La congélation, dont nous venons de voir les effets pour la conservation d’un grand nombre de substances alimentaires, réussit très-bien aussi pour celle des oeufs. Elle les tient frais tant qu’elle dure.

Le marché de Saint-Pétersbourg s’alimente des œufs gelés qui lui sont envoyés de toutes les contrées les plus éloignées de l’Empire russe. Quand le moment est venu de s’en servir, il suffit de les faire dégeler en les plongeant dans l’eau tiède. Les Sibériens d’Unalaska gardent aussi plusieurs mois des oeufs d’oiseaux de mer en les tenant plongés dans l’huile de poisson; l’huile et la graisse sont, en effet, des substances qui peuvent être citées comme les plus efficaces pour préserver les oeufs de la décomposition. Quoique cette méthode se distingue de celle que nous étudions, elle est efficace, peu connue, aussi en donnerons-nous la description, d’après la recette que nous empruntons à un chimiste fort expert dans la conservation des aliments:

On lave les oeufs, si cela est nécessaire, et, après les avoir essuyés, on les frotte avec du beurre, de l’huile, du saindoux ou autres graisses. Il faut faire attention de bien étendre celle-ci, et surtout d’en bien frotter le gros bout. Ainsi préparés, les oeufs se gardent au frais, au-delà d’un an, attendu que les pores de la coque sont exactement bouchés par la graisse et que l’action de l’air est entièrement paralysée. Les oeufs graissés ou huilés ne valent rien pour la couvaison.

Il vaudrait mieux peut-être, donner aux oeufs une couche de vernis, ou d’une composition de graisse ou de résine. Une simple couche de couleur à l’huile serait probablement suffisante.

GASTON TISSANDIER

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