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L’électricité en 1881

Cet article a été publié dans la revue l »Ami du lecteur » daté du dimanche 11 décembre 1881. Il relate les usages de l’électricité alors que le générateur de Zénobe Gramme n’avait que 12 ans. Ce document provient de la bibliothèque personnelle du rédacteur de ce site.

L’exposition internationale d’Électricité, dit M. de Parville, aura mis en relief deux faits saillants : la possibilité de transmettre au loin la force motrice par un simple fil télégraphique et la possibilité d’appliquer la lumière électrique à l’éclairage domestique.

Nous désirons entretenir nos lecteurs de ces deux faits avant que le souvenir de l’exposition ne soit effacé de la mémoire des hommes, qui ne font pas une étude approfondie des sciences et qui tiennent pourtant à demeurer au courant des grandes découvertes.

A notre époque on s’occupe beaucoup du transport des forces mécaniques à grande distance; on comprendra facilement tout ce que la solution de ce problème présente d’intérêt pratique. Sur certains points il y a des grandes forces mécaniques qui pourraient être utilisées dans les centres industriels et qui sont perdues à cause de l’éloignement.

Dans nos pays de montagnes, dans les vallées par exemple, que de chutes d’eau, qui pourraient mettre en mouvement de nombreuses machines, ne sont pas utilisées, parce que jusqu’ici, on n’a pu transporter la force qu’elles produisent, dans les lieux où elle serait nécessaire. On a essayé, il est vrai, par divers systèmes, de résoudre le problème, mais la solution vraiment pratique nous a été offerte à l’exposition d’Électricité par les machines magnéto-électriques.

Nous trouvons l’idée du mouvement transmis à grande distance réalisée dans le télégraphe imprimant de Morse que tout le monde peut voir dans les bureaux télégraphiques : le mouvement qui reçoit l’appareil du bureau du départ se transmet au bureau d’arrivée à l’appareil récepteur qui imprime les signaux sur une bande de papier.

Toutes les fois qu’on met en mouvement une machine Electro-Dynamique, on produit un courant électrique, et à son tour ce courant mis en rapport avec une autre machine Electro-Dynamique la mettra en mouvement. Voilà le principe sur lequel est basée la transmission de la force électrique. C’est de là qu’est venue l’idée d’avoir des centres où l’on produirait de l’électricité que l’on distribuerait partout où on aurait besoin de forces. Par exemple près d’une ville on aurait une chute d’eau qui mettrait en mouvement des machines Electro-Dynamiques qui transmettraient le mouvement dans les divers ateliers.

Nous n’aurions plus alors la fumée des machines à vapeur des usines, qui sont en si grand nombre dans les quartiers excentriques et dans la banlieue de Paris. Ce que l’eau peut produire, on l’obtient par la vapeur, et on n’a pas craint de proposer même d’utiliser la force immense des vagues de la mer qui se brisent sur nos côtes et qui est absolument perdue. On pourrait croire que tout ce que nous disons n’est que songe creux; mais nous avons vu l’application de ces principes à l’exposition d’électricité, où les moteurs qui se trouvaient dans un des bas côtés envoyaient le mouvement à de nombreux appareils : machines à coudre, machines à tisser, machines agricoles et surtout au tramway, qui faisait le service de la place de la Concorde à l’Exposition.

Puisque les machines Electro-Dynamiques produisent de l’électricité qui peut se transmettre par des fils à grandes distances, elles peuvent servir à produire de la lumière électrique que l’on porte au loin. La lumière électrique est produite par l’étincelle électrique qui porte au rouge des charbons ou un fil de platine. Tous les appareils destinés à produire pratiquement de la lumière peuvent se réunir en deux groupes ; les appareils qui produisent la lumière par arc voltaïque et les appareils qui la produisent par incandescence.

Dans le premier groupe, l’étincelle éclate entre deux pointes de charbons auxquels aboutissent les fils qui conduisent l’électricité, que ces charbons soient placés l’un au-dessus de l’autre, comme dans la plus part des appareils, ou bien côte à côte comme dans la bougie inventée par M. Jablockoff, le Physicien Russe dont le nom est devenu populaire ; dans le second le courant porte au rouge un fil de charbon ou de platine qui relie les deux fils conducteurs; la lumière est renfermée dans une petite empoule en verre.

C’est à ce groupe que se rattachent les lampes Edison. Dans les premiers temps on a employé la lumière électrique pour éclairer les places publiques, les grands ateliers etc., il fallait une machine dynamoélectrique pour chaque lampe. Dans ces conditions on ne pouvait songer »à appliquer la lumière électrique à l’éclairage des appartements.

La question a changé, du jour où l’on a découvert des machines, qui permettent de diviser la lumière électrique comme on divise, à l’aide de conduites spéciales, le gaz qui vient du même gazomètre.

Je ne puis entrer dans la description des appareils divers destinés à produire, à diviser, à régulariser la lumière électrique, il faudrait donner pour cela des détails par trop techniques ; mais je puis répondre à une question que l’on me fait, mais cette lumière si belle doit être bien chère ?

Pas autant qu’on pourrait le croire, et dans certaines conditions même, elle est plus économique que le gaz : par exemple, dans le cas où les machines sont mises en mouvement par une chute d’eau elle est de beaucoup plus économique.

Prenons un exemple dans le cas le plus défavorable, celui où il faut dépenser du combustible pour mettre en mouvement la machine : «quatre mètres cubes de gaz, nous dit M. de Parville, ne peuvent donner en brûlant dans des becs ordinaires que la lumière de 40 lampes carcel ; 4 mètres cubes de gaz utilisés dans un moteur Otto pour faire de la force, actionner une machine magnéto-électrique, et alimenter un régulateur, fournissent 300 becs carcel.»

Pour la même dépense, on a sept fois et demie plus de lumière. Un autre avantage c’est qu’avec cette grande quantité de lumière, la chaleur est 150 fois plus faible qu’avec le gaz.

M. Edison a commencé à établir l’éclairage à domicile dans un quartier de New-York; d’une usine centrale partent des câbles chargés de transporter en se divisant, l’électricité dans les rues et de là dans les maisons et les appartements. On établit des compteurs pour calculer la dépense journalière, comme on le fait pour le gaz ; il suffit de toucher un bouton ou de tourner un robinet pour que les appartements s’éclairent.

Quand verrons-nous la lumière électrique entrer dans la vie privée des Européens, je l’ignore ; mais je crois qu’avant peu de temps elle deviendra le mode préféré pour l’éclairage des ateliers et des usines ; on évitera ainsi la chaleur si fatigante de la lampe à pétrole ou du gaz, ainsi que de nombreuses causes d’incendie.

Comme la force, la lumière électrique peut s’envoyer à distance, je ne citerai comme exemple que la salle de l’Opéra qui a été éclairée par de l’électricité produite aux Champs-Elysées, ce qui représente plusieurs kilomètres de fil.

La Perse ne veut pas demeurer en arrière, elle ne craint pas les progrès de l’industrie, comme le prouve la nouvelle venue de Téhéran. On annonçait que S. M. le Shah avait présidé dans les premiers jours d’octobre à la cérémonie d’inauguration de la première usine à gaz créée en Perse.

Elle a été construite par un Français M. Fabius Boital. C’est au bruit des fanfares que le Shah a allumé le premier bec de gaz. La France était représentée par son chargé d’affaires et le personnel de la légation. Nous apprendrons peut-être bientôt que dans ce pays du soleil la lumière du gaz paraît trop sombre et que l’on songe à la remplacer par la lumière électrique.

Fin

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